" LES KLAXONS stridents, scieurs de ciel, réveillent les champions défunts, Antonin Magne, Georges Speicher, René Vietto, Tom Simpson, Jacques Anquetil, Luis Ocaña, et les voici qui se mêlent aux coureurs de tête dans la montée de Luz-Ardiden, ce 21 juillet 2003, s'accrochent à la roue de Lance Armstrong et à celle de Jan Ullrich, applaudis à tout rompre par des aficionados qui ont passé la nuit sur place dans des mobil-homes alignés le long de l'étroite route, dans des tentes orangées qui flottent à la surface de l'herbe rase comme des bouées. Quel souk de sueurs, quel boxon de tendons, quelle cohue de chairs, quelle poêlée de muscles ! Autant que la musette du spectateur dans laquelle il plante la corne de son guidon, c'est bien cette horde compacte de cracks venus de tous les Tours qui provoque la chute de Lance Armstrong. Armstrong qui se relève aussitôt. Se remet en selle. Relance la machine. Armstrong qui déchausse, retombe sur la barre horizontale du cadre. Armstrong qui remonte, démarre et s'envole, l'œil injecté de sang, le maillot ouvert sur cette poitrine blanche dans laquelle des cancérologues avaient un temps logé un cathéter. Lance Armstrong a démarré, Lance Armstrong gagne : rien n'a changé. " C. L.